Saviez-vous qu'il existe de nombreux effets grammaticaux et figures de style utilisés dans l'univers de Star Wars ? Vous êtes vous déjà demandé d'où provenaient certaines langues parlées dans les films, ou pourquoi Maître Yoda parle-t-il de cette façon si particulière ? Connaissez-vous l'Aurebesh l'alphabet de Star Wars, et son origine ?
À l'occasion de la Semaine de la langue française et de la Francophonie, nous avons décidé de vous partager plusieurs des anecdotes langagières Star Wars des plus fascinantes et intéressantes, dans l'idée de valoriser et de préserver notre chère langue maternelle. Alors, êtes-vous prêts à découvrir les origines linguistiques de notre univers fantastique bien aimé ?
Jeux de style et figures de mots
Vous connaissez probablement tous la célèbre phrase prononcée par Dark Vador - «Luke, je suis ton père» - et que tout le monde croit avoir entendu. Oui, oui, on précise "croit avoir entendu". En effet, la véritable phrase prononcée par le plus grand méchant de l'histoire du cinéma est en réalité : «Non, je suis ton père». Il s'agit là d'un phénomène courant et bien connu des psychologues et des anthropologues, qu'on appelle l'effet Mandela. Il désigne un faux souvenir partagé par plusieurs personnes et ancré dans la mémoire collective, C'est quand même fou quand on y pense !
Savez-vous ce qu'est une anagramme ? Il s'agit d'une interversion des lettres qui composent un mot pour en former un autre. Un exemple ? Vous connaissez tous les Ewoks ? Les célèbres boules de poils qui peuplent la lune forestière de la planète Endor. Le nom de cette espèce n'est guère dû au hasard, mais à un jeu d'inversion phonétique du mot Wookiee. Un autre exemple ? La planète sur laquelle Jyn Erso fut envoyée en camp de travail, dans Rogue One, s'appelle Wobani. Alors, une petite idée de quel mot est-ce l'anagramme ? Il s'agit bien entendu du nom du chevalier Jedi Obi-Wan.
Après les anagrammes, voici maintenant les acronymes. Il s'agit d'un groupe d'initiales abréviatives plus ou moins lexicalisées. Par exemple, un des rumeurs concernant l'origine du nom de Snoke propose d'y voir l'acronyme de «A Sith No One Knew Existed», c'est-à-dire «un Sith dont personne ne connaissait l'existence». Ce qui prend tout son sens lorsqu'on découvre ses origines dans l'Episode IX. Ce n'est bien sûr qu'une théorie qui n'a jamais été confirmée, mais l'exemple était de mise. En restant dans le côté obscur, l'un des chasseurs de primes conviés par Dark Vador dans L'Empire contre-attaque, s'appelle 4-LOM. Il s'agirait en fait de l'acronyme de «For Love of Money» (le chiffre 4 se prononce «Four» en anglais).
Par ailleurs, ce jeu de mot qui vise à remplacer un son ou une syllabe par une lettre ou un chiffre, s'appelle un allographe. Le meilleur exemple concerne la célèbre phrase «May the Force be with you», signifiant «Que la Force soit avec vous» en anglais, qu'on peut écrire «May the 4th B with U» (se prononçant «May the fourth be with you»). Ce jeu de mot prend d'ailleurs tout son sens lorsqu'on sait que la journée mondiale de Star Wars se déroule le 4 mai, date qui se dit en anglais «May, the 4th» (May, the fourth).
Enfin, tout le monde connaît la curieuse manière qu'a le Grand Maître Jedi Yoda de s'exprimer, en inversant l'ordre des mots et en plaçant le verbe à la fin de ses phrases. Cette figure de style s'appelle une anastrophe. Un maître de cet art, Yoda est.
De l'étude linguistique
Lorsque l'on pousse l'analyse un peu plus loin, on remarque que presque toutes les phrases de Yoda reposent sur une construction grammaticale rare. Il s'agit de l'ordre OSV, Objet-Sujet-Verbe : Le sabre laser - Anakin - attrape. Selon le linguiste Russel S. Tomlin, cet ordre particulier ne concerne même pas 1% des langues parlées dans le monde. Dans la majeure partie des cas, les locuteurs humains utilisent l'ordre SOV, Sujet-Objet-Verbe : Anakin - le sabre laser - attrape. Ce modèle est commun au latin, au turc ou au japonais. 565 langues, soit environ 45% des langues parlées fonctionnent ainsi. L'autre ordre le plus commun est l'ordre SVO, Sujet-Verbe-Objet : Anakin - attrape - le sabre laser. Le français, l'anglais ou le mandarin utilisent ce modèle, et 488 langues dans le monde fonctionnent ainsi. Il n'existe qu'une infime poignée de langues sur terre qui fonctionnent sur le modèle OSV, le modèle de phrases «à la Yoda». L'Atlas mondial des structures de langues en liste quatre : Le tobati en Papouasie, lengathana et le dyirbal en Australie, et le nadëb au Brésil.
La science-fiction et le fantastique entretiennent des liens étroits avec l'étude des langues. Par exemple la langue fictive du dothraki, dans Game of Thrones, fut construite à partir du russe, de l'arabe et du mongol. Celle des Na'vi, dans Avatar, s'inspire quant à elle du maya et de l'arabe. J.R.R. Tolkien inventa complètement la langue elfique dans Le Seigneur des Anneaux. Composée de deux langues et d'une dizaine de dialectes, l'elfique est inspirée du finnois.
Et dans l'univers de Star Wars, savez-vous d'où proviennent les différents langages ? Et bien le site Babbel s'est lancé dans l'élaboration d'un dictionnaire permettant de découvrir l'origine des langues parlées par certains des personnages de la saga, tels que Jabba le Hutt, ou encore les Jawas.
Le huttese est la langue des Hutts, ces immondes limaces géantes telles que le célèbre Jabba. Il s'agit de la langue étrangère la plus parlée de la saga. Elle est inspirée du quechua, une langue inca. Il s'agit de la plus grande source d'inspiration linguistique pour la trilogie originale, à tel point que certaines phrases ne furent même pas traduites, utilisées telles quelles, sous leur forme d'origine. En revanche, en dehors de son riche vocabulaire et de son champ lexical défini, il n'existe pas pour le huttese de véritable structure grammaticale ni de règles syntaxiques connue.
Le jawa est parlé par les Jawas, ces petits pilleurs d'épaves de Tatooine. Cette langue est inspirée du zoulou, et de plusieurs autres langues africaines. Pour obtenir ces voix si particulières, les voix des acteurs furent d'abord enregistrées, puis accélérées. Comme le diraient les Jawas: «Utinni !» L'ewokese est le langage parlé par les Ewoks. Leur parlé si particulier est issu du mélange de trois langues mongoles : le tibétain, le népalais et le calmuc. On doit l'élaboration de ces dialectes à Ben Burtt, l'ingénieur du son qui travailla pour les six premiers films, et qui créé une langue spéciale et unique pour toutes les espèces présentes, afin que chacune d'entre elles participe à l'identité de ces mondes fictifs.
Systèmes d'écriture
L'Univers Étendu de Star Wars a développé de nouvelles langues par la suite, inventées pour la plupart, avec un travail poussé et acharné de la part des auteurs. Des alphabets furent même attribués pour chaque langue, afin d'ajouter de la rigueur à ces travaux.
Le basic est la langue la plus parlée dans la galaxie de Star Wars. C'est le langage commun qui permet à toutes les espèces de se comprendre, un peu comme l'anglais dans notre monde actuel. Le basic possède un alphabet spécifique appelé Aurebesh. C'est un alphabet hiéroglyphique, créé par Stephen Crane, qui lui donna son aspect et attribua un nom à chaque lettre, chaque chiffre, ainsi que la ponctuation et les caractères spéciaux, tel que le graphème du crédit galactique. L'Aurebesh s'inspire de l'alphabet grec, mais également de l'alphabet runique nordique. Le nom «Aurebesh» vient de la contraction du nom de ses deux premières lettres, Aurek et Besh.
Dans les territoires de la Bordure Extérieure, le basic était toutefois écrit avec le Basic de la Bordure Extérieure, un alphabet qui présente de nombreuses similitudes avec l'alphabet huttese, ce qui paraît logique quand on sait que le Cartel des Hutt possédait de nombreux territoires de la Bordure Extérieure.
Le mando'a est la langue des mandaloriens, les célèbre guerriers de la planète Mandalore. Le mando'a fut créé par Karen Traviss, qui a fourni un immense travail afin de créer une langue variée et cohérente, tant au niveau du lexique et de la grammaire, que de la conjugaison. Le mando'a est basé sur l'agglutination, c'est-à-dire prendre des éléments de plusieurs mots, et les combiner afin d'en créer de nouveaux, basés sur la signification propre des mots de base. L'alphabet mando'a fut quant à lui écrit par Philip Metschan, à la demande de Georges Lucas avant 2002, et fut utilisé tout le long du tournage de L'Attaque des Clones.
Le Sith est la langue parlée par l'espèce Sith, puis - par extension - par les Seigneurs Sith. Le Sith possède en tout trois alphabets, qui sont inspirés de nos alphabets sémitiques (phénicien, hébreu, arabe). Le premier alphabet est le Sith Ancien, appelé Langue runique des Sith, et par la suite Ur-Kittât. Toute première transcription de la langue Sith, il s'agit d'une forme d'écriture hiéroglyphique. Inventé par le concept-designer Ralph McQuarrie, on peut en apercevoir un exemple dans L'Ascension de Skywalker, ou sur la dague de l'assassin Sith Ochi. On peut également voir du Sith Ancien à la fin de la saison 2 de The Mandalorian, dans la scène post générique : sur le trône de Boba Fett est ainsi marqué «Boba Fett» en Ur-Kittât.
La deuxième forme d'écriture est le Haut Sith, également appelé Kittât, il succéda à la première forme d'écriture. Le Kittât fut conçu par Ben Grossblatt, qui s'inspira de l'alphabet arabe, pour son ouvrage Le Livre des Sith. Le Kittât fut canonisé dans Star Wars Rebels, avec une mention de «Kenobi» inscrite dans l'antre de Maul sur Dathomir. Enfin, la troisième forme est le Sith Commun, la forme d'écriture du langage Sith la plus récente. Cette dernière forme présente quelque similitude avec l'alphabet hébreu dont il s'inspire. On aperçoit des écritures en Sith Commun sur le caisson de l'ordinateur ventral de l'armure de Dark Vador dans les films.
Le huttese possède lui aussi son propre alphabet. Il en possède en réalité plusieurs, dont le Boonta et le Nal-Huttese. On trouve même un alphabet appelé «Jabba's alphabet» sur les boites à pizza de Pizza Hut. Il fut créé par Eric Larson, qui basa cet alphabet sur une police hébraïque moderne, après avoir observé des symboles similaires sur le support original de Han Solo gelé dans la carbonite. L'alphabet fut reproduit en 1999 par deux fans et fut appelé «Trade Huttese» (huttese commercial). Il fut ensuite utilisé dans le jeu de 2002 Racer Revenge, dans le menu de sélection des podracers.
Il existe également un alphabet ewokese, naboo, ou encore neimoidien. Le célèbre Wookiee Chewbacca, quant à lui, a un langage bien particulier. Il émet des grognements gutturaux appelés borborygmes. En voilà un mot peu commun ! Même si Han Solo sait parler le Wookiee, comme il nous le prouve dans Solo: A Star Wars Story, nous n'avons malheureusement aucun alphabet à vous proposer pour traduire le Wookiee. Dans tous les cas, ce n'est pas à la portée de tout le monde de parler en borborygmes.
Question de traduction
Et puisque nous parlons de traductions, nous achevons cet article avec quelques anecdotes amusantes concernant la traduction française de certains éléments des films. Traduire en français donne parfois certains avantages, notamment au niveau de la prononciation, par exemple «Darth Vader» devint «Dark Vador» dans un souci de praticité linguistique (même si cela reste un sujet à controverse). Toutefois, tous les termes ne valent peut-être pas la peine d'être traduit.
La première traduction française de La Guerre des étoiles est riche en pépites de traductions. Le grand «Jabba the Hutt» par exemple, s'est vu affublé d'une traduction bien étrange. Le mot «Hutt», n'ayant aucune autre signification que «hutte» en français, les traducteurs ne savaient pas qu'il s'agissait du nom d'une espèce inventée. Ils ont donc fait le rapprochement entre une hutte et une forêt, ce qui donna - pendant un temps - «Jabba le Forestier». De la même manière, le nom du Wookiee «Chewbacca» était totalement inconnu des traducteurs en 1977. Ils traduisirent donc littéralement son nom, pensant qu'il s'agissait plus d'un qualificatif désignant le grand ami poilu de «Yann Solo» que d'un nom propre. Cela donna donc littéralement «chiquer du tabac», abrégé en «Chictaba». Et comme dirait Yann:«Allez, Chico, on met la gomme!».
Le célèbre vaisseau bien connu des fans, le «Millennium Falcon», fut traduit d'abord par «Millenium Condor», avant d'être le «Faucon Millenium». Ici, les deux traductions de «Falcon» ne posent pas de problème, il s'agit d'ailleurs plus d'une question d'habitude à l'écoute, pour les nostalgiques de Chictaba et autres joyeusetés de 1977. En revanche, le mot «Millennium» n'est pas traduit par «millénaire», mais il perd tout de même un «n». Dernier exemple, et pas des moindres, le chevalier Jedi «LukeSkywalker» dont le nom de famille fut traduit (était-ce bien raisonnable?). Nous avions ainsi, face au nom de Mark Hammil dans les castings : «Luke Courleciel».
Quelques-unes de ces traductions furent rectifiées par la suite, afin de rendre l'univers plus cohérent entre les oeuvres littéraires et cinématographiques. Toutefois, il ne faut pas brimer les traducteurs qui fournissent un travail conséquent, et qui n'ont bien souvent pas le droit à l'erreur face à certains fans peu indulgents. Comme le rappelle Rafik Djoumi dans l'épisode de BiTS consacré à la traduction des oeuvres: «Le métier du traducteur n'est plus seulement de servir d'interprète, mais de surveiller la cohérence d'une saga en construction», ce qui est d'autant plus difficile.
Si vous êtes intéressés par les particularités des traductions françaises de l'univers Star Wars, nous vous conseillons vivement de voir les excellents articles de Dark Reivilo par ici et par là. Pour les lecteurs férus de français et les plus courageux d'entre vous, n'hésitez pas à aller les lires, ça vaut le détour !
Nous espérons vous avoir satisfaits et vous avoir transmis un peu de notre savoir et de notre amour de la langue française. Nous vous souhaitons donc une bonne fin de Semaine de la langue française et de la Francophonie, et que la Force soit avec vous ! A bientôt sur Star Wars Holonet !